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Présence et Micropolitique du Sensible: Ouverture Alcina, un cas de composition postdramatique

Presence and Micro-politics of the Sensible: Ouverture Alcina, an example of Postdramatic Composition

Résumé:

La notion de présence suscite un débat très animé dans la scène actuelle des arts vivants. Ce texte donne un aperçu des théories récentes et ensuite propose une approche à l’étude de la présence au prisme des épistémologies des pratiques du corps et du geste, ainsi que de la notion d’affect (Massumi, 1995; 2015). Ensuite, l’analyse d’ Ouverture Alcina, solo de la compagnie italienne Teatro delle Albe, relit la présence en tant que restitution d’un travail physique, performatif et compositionnel, à savoir un dispositif fabriquant un discours politique à travers l’expérience perceptive du spectateur.

Mots-clés:
Présence; Perception; Politique des Affects; Théâtre Postdramatique; Teatro delle Albe

Abstract:

Presence is a widely investigated topic in the Performing Arts. This paper provides an indicative review of the most recent theories, and proposes an approach to presence relying on the epistemologies of the somatic and gestural practices, as well as on the notion of affect (Massumi, 1995; 2015). Subsequently, it focuses on Ouverture Alcina, a solo by the Italian company Teatro delle Albe. Here, presence is the result of a physical, performative and compositional practice, a dispositive affecting the perceptive experience of the viewer as a form of political agency.

Keywords:
Presence; Perception; Politics of Affects; Postdramatic Theatre; Teatro delle Albe

Resumo:

A noção de presença provoca um intenso debate no campo das artes cênicas atuais. Este texto apresenta um panorama das teorias recentes e propõe uma abordagem ao estudo da presença sob o prisma das epistemologias das práticas do corpo e do gesto, bem como da noção de afeto (Massumi, 1995; 2015). A análise do espetáculo Ouverture Alcina, um solo da companhia italiana Teatro delle Albe, faz uma releitura da presença como restituição de um trabalho físico, performativo e composicional, um dispositivo de construção de um discurso político através da experiência perceptiva do espectador.

Palavras-chave:
Presença; Percepção; Política dos Afetos; Teatro Pós-Dramático; Teatro delle Albe

Introduction: des présences multiples

Bien que notre champ se limite seulement à l’actualité, la notion de présence parait traduire un phénomène dès le début facetté et élusif, notamment dans la scène performative et postdramatique euro-américaine. Dans la théorie, le concept de présence désigne la condition d’“être là”, d’“être ici-et-maintenant”, d’“être devant” ou bien encore d’“être près de” sur scène (Giannachi; Kaye, 2006GIANNACHI, Gabriella; KAYE, Nick. Presence: a short definition. Performance Research, Cornwall, n. 11, p. 103-105, 2006., p. 103; Pitozzi, 2008PITOZZI, Enrico. Sismografie della presenza. Art’O, n. 25, p. 4-13, printemps 2008., p. 4; Giannachi; Kaye; Shanks, 2012). Dans les débats actuels, la dimension spectaculaire, voire prodigieuse de la présence paraît captiver l’intérêt des théoriciens. Par contre, la coprésence de spectateurs et performeurs dans une situation spectaculaire paraît exposer une réalité physique entendue en tant qu’un état de choses, voire le côté ordinaire de l’événement extra-quotidien ayant son origine dans la relation entre interprète et spectateurs (Fischer-Lichte, 2014 [2004], p. 67-132; Lehmann, 2012LEHMANN, Hans-Thies. La presenza del teatro. Culture Teatrali: interventi e scritture sullo spettacolo , Italia, n. 21, p. 17-30, automne 2012., p. 17). Une dialectique similaire est celle qu’on articule entre modalité assertive et qualitative de présence (Féral; Perrot apud Pitozzi, 2012FÉRAL, Josette (Dir.). Pratiques Performatives: Body Remix. Montréal; Rennes: Presses de l’Université du Québec; Presses Universitaires de Rennes, 2012.a, p. 131-132)1 1 Fischer-Lichte et Féral ont reproposé ces études dans Archaeologies of presence (Giannachi; Kaye; Shanks, 2012, p. 103-118; p. 29-49). , en distinguant plutôt la présence de ses effets esthétiques2 2 Selon la définition de Féral et Perrot cet effet consiste en “[...] la sensation éprouvée par le spectateur que les corps ou les objets offerts à son regard – ou bien à ses oreilles – sont là, dans le même espace et dans le même temps où lui-même se trouve, bien que reconnaissant de manière pertinente que ceux-ci sont absents” (Féral; Perrot, 2012, p. 142-144). .

Sur cette base, d’autres notions sont formulées en considérant détail le travail de l’interprète sur scène: l’on parle “d’être présent” (being-present), d’“avoir présent” (having present) ou bien encore de “faire présent” (making-present, Power, 2008POWER, Cormac. Presence in Play. A Critique of Theories of Presence in the Theatre. Amsterdam; New York: Rodopi, 2008.). On spécifie également d’autres modes de présence - fortes, faibles, radicales (Fischer-Lichte, 2008; Fischer-Lichte apud Giannaki, Kaye, Shanks, 2012, p. 103-118 ; Fischer-Lichte, 2014), ou bien littérales, auratiques et fictionnelles (Power, 2008). Cela nous confirme l’existence d’imaginaires, de modèles culturels et idéologiques œuvrant de l’intérieur et souvent de façon ambiguë sur la notion de présence, ainsi que sur les catégorisations qui en résultent.

Par conséquent la présence, ici, n’est pas une fonction d’unité et de synthèse, ni l’occupation indiscutable [untroubled] d’un espace, un être ici ou un être là définitif; par contre elle est performée dans la persistance de l’’être’ à travers la division et la différenciation. […] (Giannachi; Kaye; Shanks, 2012GIANNACHI, Gabriella; KAYE, Nick; SHANKS, Mark (Dir.). Archaeologies of Presence: art, performance and the persistence of being. London; New York: Routledge , 2012., p. 10-11)3 3 Faute d’autres précisions, les passages ont été traduits personnellement. .

Cette pluralité d’approches et leurs relations complexes génèrent parfois des confusions, notamment concernant le phénomène corporel. Le philosophe Michel Bernard parle à ce propos des métaphorisations galopantes (Bernard, 2001BERNARD, Michel. De la Création Chorégraphique. Pantin: CND Editions, 2001., p. 51), des cristallisations conceptuelles de la corporéité par des notions rassurantes, pourtant réductionnistes. Par contre, rares sont les essais de restituer la dimension et le devenir de la présence en tant qu’“écologie de différences” (Giannachi; Kaye; Shanks, 2012GIANNACHI, Gabriella; KAYE, Nick; SHANKS, Mark (Dir.). Archaeologies of Presence: art, performance and the persistence of being. London; New York: Routledge , 2012., p. 11), voire de relations.

Cet article4 4 Cet article repropose des sujets traités dans une thèse de doctorat en cotutelle entre le Département des Arts (spécialité Théâtre) de l’Université de Bologne, Italie, et le Département Danse de l’Université Paris 8, France. propose une relecture des théories et des phénomènes esthétiques généralement noués à la notion de présence au prisme des écologies des pratiques (Stengers, 2005STENGERS, Isabelle. Introductory notes for an ecology of practices. Cultural Studies Review, Melbourne, v. 11, n. 1, p. 183-196, mars 2005.) et des théories des affects (Deleuze; Guattari, 1991DELEUZE, Gilles; GUATTARI, Félix. Qu’est-ce qu’est la philosophie?. Paris: Les Editions de Minuit, 1991. Massumi, 1995MASSUMI, Brian. The Autonomy of Affect. Cultural Critique, n. 31, p. 83-109, automne 1995.; 2015). Un aperçu des discours courants permet d’abord de situer et de préciser telle approche. Ensuite, il s’agira de restituer un exemple d’écologie ou bien politique des affects en considérant Ouverture Alcina (2009OUVERTURE Alcina. Col, 39’. Teatro delle Albe, Ravenna Teatro, Ravenna, 2009 (sous concession de la Compagnie). 1 DVD.), un solo de la Compagnie italienne Teatro delle Albe. On verra que la pièce est significative de celles qu’on dénomme d’une part pratiques et de l’autre figurations de la présence, à savoir des modalités de concevoir la composition et le regard sur l’œuvre en tant que dispositifs œuvrant sur le plan immanent des sensations.

Faire, Défaire, Repenser la Présence: modernisme et scènes actuelles

Conformément aux définitions qu’on vient d’introduire, les théoriciens ont toujours identifié la présence avec d’enjeux esthétiques, philosophiques et culturels différents. Les pionniers des études actuelles sur la notion de présence émergent dès la fin des années Cinquante (Giannachi; Kaye; Shanks, 2012GIANNACHI, Gabriella; KAYE, Nick; SHANKS, Mark (Dir.). Archaeologies of Presence: art, performance and the persistence of being. London; New York: Routledge , 2012., p. 2; Power, 2008POWER, Cormac. Presence in Play. A Critique of Theories of Presence in the Theatre. Amsterdam; New York: Rodopi, 2008., p. 118-125). Cormac Power (2008) remarque que des sources importantes renvoient à la pensée de Jacques Derrida, à la notion d’aura de Walter Benjamin et des études sur la textualité. Ces investigations traitent souvent la présence comme idée-support dans le cadre d’une pensée philosophique à large échelle sur le rapport entre sujet et monde, plutôt que la convoquer dans de véritables analyses des pratiques performatives5 5 Dans l’économie de ce texte il n’est possible que de nommer ces théories, ensuite reprises à la fin des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix. Voir les études citées dans les notes 1-2. .

Les esthétiques des arts performatifs, au moins jusqu’à la fin des années quatre-vingts, s’émancipent difficilement de cette approche. Leurs définitions les plus communes distinguent la présence en tant que dimension qualitative du jeu de l’interprète et de celle concernant l’événement spectaculaire dans son ensemble. En résumé, l’on parle de présence de l’artiste ou bien de présence de l’œuvre (Pavis, 1996PAVIS, Patrice. Dictionnaire du Théâtre. Paris: Armand Coli, 1996 (1987). [1987], p. 270). Dès les années quatre-vingts, cette double articulation du discours s’enracine dans les théories s’éloignant du texte-centrisme, du théâtre de représentation et des fonctions traditionnellement accordées au personnage. Pourtant, la notion de présence garde une poétique d’empreinte classique, résonnant avec ce qu’on appelle charisme de l’artiste (Goodall, 2008GOODALL, Jane. Stage Presence. London; New York: Routledge , 2008.). Patrice Pavis en donne une définition significative:

‘Avoir de la présence’ c’est, dans le jargon théâtral, savoir captiver l’attention du public et s’imposer; c’est aussi être doué d’un ‘je-ne-sais-quoi’ qui provoque immédiatement l’identification du spectateur, lui donnant l’impression de vivre ailleurs et dans un éternel présent (Pavis, 1996PAVIS, Patrice. Dictionnaire du Théâtre. Paris: Armand Coli, 1996 (1987). [1987], p. 270).

Erika Fischer-Lichte, dans sa perspective performative, parle en ces termes d’un concept fort de présence, “[...] la maîtrise de l’espace de la part de l’acteur et la conception de l’attention des spectateurs sur lui même ‘qui produit’ une intense expérience de l’être présent” (Fischer-Lichte, 2014 [2004], p. 170). En ce sens, la présence est une question poétique double, concernant d’une part la pensée philosophique et, de l’autre, les normes du social, ainsi que les stratégies que l’artiste met en jeu afin de s’imposer dans les circuits artistiques. La présence entendue en tant que charisme appartient en effet à une tendance ancienne et transversale par rapport aux genres artistiques, la mythisation des grands artistes, nourrie - bien avant les expérimentations du XXe siècle - par leurs autobiographies et mémoires, ainsi que par la littérature critique et l’imaginaire du public. Considérées d’un point de vue académique, ces sources ne sont pas forcément objectives, ni cohérentes; néanmoins, elles sont essentielles pour comprendre le rapport entre la scène et le milieu socio-culturel contemporain (Goodall, 2008GOODALL, Jane. Stage Presence. London; New York: Routledge , 2008., p. 7, 11-12). Chaque esthétique de la présence implique, par conséquent, la construction de différentes stratégies performatives, d’autant que la formulation d’éthiques et de conceptions du monde et de l’art particulières - une transformation émergeant aussi à la fin du XXe siècle.

Dès la fin des années quatre-vingts, de nouvelles idées sur - par les mots de Pavis, (1996PAVIS, Patrice. Dictionnaire du Théâtre. Paris: Armand Coli, 1996 (1987). [1987], p. 270) - le “je-ne-sais-quoi”6 6 Cette expression, dont une généalogie dépasserait les limites de cette contribution, est inscrite dans une longue tradition théorique centrée sur la définition de représentation en tant que fiction, aussi bien que sur son caractère indéterminé. Pour approfondir, voir Lehmann (2012) et Csordas (1993, p. 137; p. 149-151). de la relation théâtrale se développent sur la base des recherches de Jerzy Grotowski et d’Eugenio Barba, proposant une perspective performative sur le travail physique de l’interprète7 7 La Nouvelle Théâtrologie italienne, l’Ethnoscénologie française et les Performance Studies renvoient souvent aux notions de Performer et de pratiques performatives. Dans les deux premiers champs on intègre ces modèles par les recherches d’Eugenio Barba sur le pré-expressif; les Performance Studies font par contre référence aux recherches de Grotowski et de Richard Schechner. Des aspects communs à ces théories sont la configuration de la performance entre rituel et spectaculaire, ainsi que la centralité du corps organique du performeur. Voir Grotowski (1965); Richards (1999); Barba (1993); Barba, Savarese (1996); Schechner (1988 [1977]); Fischer-Lichte (2014 [2004]). . Dans ce cadre, la notion de pré-expressif détient un rôle important dans la définition des enjeux physiques fabriquant la présence que Power (2008POWER, Cormac. Presence in Play. A Critique of Theories of Presence in the Theatre. Amsterdam; New York: Rodopi, 2008.) définit auratique. Pour Barba, le pré-expressif est le niveau dédié à “l’exposition de la présence actuelle de l’interprète” qui, à travers des techniques d’incarnation spécifiques, “[...] produi[t] à l’intérieur de [celui-ci] une énergie capable d’être transmise aux spectateurs” (Lehmann, 2002LEHMANN, Hans-Thies. Le Théâtre Postdramatique. Traduction: Philippe-Henri Ledru. Paris: L’Arche, 2002. (Postdramatisches Theater, 1999). [1999], p. 52). Le principe énergétique ré-émerge ensuite au sein du théâtre postdramatique. Hans-Thies Lehmann décrit la capacité de l’acteur de produire de l’énergie, de la solliciter dans le spectateur et la faire circuler dans l’espace de manière imprévisible. Ainsi, l’artiste fait de l’énergie un principe transformateur de l’expérience (Lehmann, 2002 [1999], p. 52). Plus récemment, Fischer-Lichte a proposé une séparation des dimensions corporelles fondatrices de la présence. La chercheuse parle de corps multiples coexistant au sein de la corporéité du performeur; par là, elle distingue d’abord celle sous-tendant à un concept fort de présence de celle renvoyant à un concept faible, “[...] le rapport avec la présence actuelle qui se donne par le simple être présent du corps vivant phénoménique de l’acteur” (Fischer-Lichte, 2014 [2004], p. 167). Ensuite, Fischer-Lichte identifie dans la tension entre l’“être-au-monde corporel” du performeur et sa représentation d’un personnage - à savoir, entre présence faible et présence forte - la condition qui rend à la fois possible la production performative de la corporéité et sa réception par le public. Enfin, lorsque l’expérience spectaculaire permet au spectateur de percevoir le performeur et soi-même en tant qu’esprit incorporé (embodied mind), et également une énergie transformatrice circulant entre eux, Fischer-Lichte parle de concept radical de présence. “Dans la présence, donc, rien d’extraordinaire ne se manifeste, pourtant quelque chose d’extrêmement ordinaire est rendu évident et transformé en événement: la particularité de l’être humain d’être embodied mind” (Fischer-Lichte, 2014 [2004], p. 175-176).

La chercheuse allemande est parmi les auteurs ouvrant la voie à un véritable tournant théorique au nom de la présence. Au début du XXIe siècle, en fait, cette notion trouve une nouvelle fortune littéraire. Cela ne serait pas possible sans l’existence, sur la scène internationale des arts vivants, de diverses tendances qui prennent à questionner et réinventer plus ou moins radicalement ses propres médiums. On commence à traiter de la présence à l’égard d’usages raffinés des technologies multimédia dans la composition dramaturgique et /ou des pratiques compositionnelles expérimentant le rapport entre forces et formes dramatiques, voire la relation entre déconstruction et fixation du geste. D’une part, notamment en danse, les artistes sont très concernés par le développement et la légitimation de la pensée sur leur propre travail (Ginot, 2003GINOT, Isabelle. Un lieu commun. Repères: cahiers de danse, Vitry-sur-Seine, p. 2-9, mars 2003.). Ils revendiquent leur autonomie par rapport aux circuits spectaculaires dominants et, à la fois, une perspective critique sur les fondamentaux des pratiques performatives: corps, mouvement, composition, cadre, œuvre, auteur (Lepecki apud Carter, 2004LEPECKI, André (Dir.). Of the Presence of the Body. Essays on Dance and Performance Theory. Middletown: Wesleyan University Press, 2004., p. 172; Lepecki, 2006). D’autre part, la recherche théâtrale révèle à son tour d’un désir de réinvention. Le minimalisme repris de la performance postmoderne, d’une part, l’usage plus ou moins spectaculaire des technologies, de l’autre, offrent des moyens pour travailler sur la méthode de composition, d’autant que sur les traits formels des œuvres et les qualités des performances. Tout comme aux années soixante, on se détache d’un certain expressionisme, aussi bien que des modèles du nouveau théâtre par rapport à un usage du corps et de la scène explicitement politiques8 8 Quoique éloignée des grands circuits internationaux, la Compagnie du Teatro delle Albe fait partie de cette génération artistique. .

Dans cette période, le sens donné par les artistes à la présence, ou bien aux enjeux performatifs la concernant, dépasse le seul jargon technique et la doxa sur le charisme et s’articule plutôt par des discours savants, s’appropriant des stratégies de la critique. Des poétiques riches et complexes sont élaborées, reconnectant la pratique de manière plus directe qu’auparavant à la pensée philosophique moderne9 9 La généalogie des débats sur le théâtre et ensuite sur la performance nous parait en donner confirmation: la pensée de Friedrich Nietzsche, Martin Heidegger, Jacques Derrida, Michel Foucault, Edmund Husserl, Maurice Merleau-Ponty et, plus récemment, Gilles Deleuze est largement convoquée dans la théorie, même en l’absence d’analyses d’œuvre (Power, 2008; Giannachi; Kaye; Shanks, 2012). . En ce sens, la réinvention de cette notion reflète les recherches théâtrales du début du XXe siècle, qui auraient essayé de détendre l’expérience de la présence du performeur à l’œuvre dans son ensemble (Power, 2008POWER, Cormac. Presence in Play. A Critique of Theories of Presence in the Theatre. Amsterdam; New York: Rodopi, 2008., p. 47-54). Dans ce contexte, certaines théorisations de la présence se transforment par rapport aux esthétiques esquissées.

Dans le cadre des Performance Studies et des Critical Dance Studies, André Lepecki propose une manière différente de considérer le rapport entre art et philosophie (Lepecki, 2006, p. 5) en soulignant l’écart entre corps et présence mis en abîme, notamment en Europe, par une nouvelle génération de chorégraphes et performeurs (Lepecki, 2004; Lepecki apud Carter, 2004CARTER, Alexandra. Rethinking Dance History: A Reader. New York: Routledge, 2004.). Ses études rassemblent des expérimentations impliquant, dans la composition du dispositif chorégraphique-performatif, d’éléments non seulement corporels, kinesthésiques ou visibles. La performance mobilise, dans ces cas, les traces d’imaginaires et milieux culturels et politiques, ou bien une pensée critique se manifestant par des gestes troublant les conventions spectaculaires. La notion de présence paraît donc prendre les traits d’une mise en situation du sensible (Kaye; Giannachi, 2011KAYE, Nick; GIANNACHI, Gabriella. Acts of Presence: Performance, Mediation, Virtual Reality. The Drama Review, Cambridge, Massachusetts, v. 55, n. 4, p. 88-95, hiver 2011.; Pitozzi, 2014PITOZZI, Enrico. The Perception is a Prism: body, presence and technologies. Revista Brasileira de Estudos da Presença/Brazilian Journal on Presence Studies, Porto Alegre, v. 4, n. 2, p. 174-204, mai-août 2014. Disponible sur: <Disponible sur: http://seer.ufrgs.br/index.php/presenca/article/view/43367/29205 >. Consulté le: 30 mars 2016.
http://seer.ufrgs.br/index.php/presenca/...
) et également du politique par les biais de la composition. Ce faisant, selon Lepecki, ces œuvres chorégraphiques exposeraient ou déjoueraient les modèles normatifs par lesquels le dispositif chorégraphique est lié à la production de la subjectivité normée à l’ère moderne, l’“être-vers-le-mouvement” (Lepecki, 2006, p. 43). On pourrait rattacher à ce modèle normé la dialectique entre corps et esprit, qu’on retrouve paradoxalement même dans certaines théories postmodernes accordant les deux polarités (Barba, 1993BARBA, Eugenio. La Canoa di Carta: trattato di antropologia teatrale. Bologna: Il Mulino 1993.; Barba; Savarese, 1996 Fischer-Lichte, 2014 [2004], p. 175-176).

Cette base nous permet de formuler des propositions nouvelles. On va présenter ici un écartement ultérieur des stratégies discursives s’articulant par la dialectique entre corps et esprit, présence et absence, aussi bien qu’entre sujet et un objet esthétique complétement autre, réifié. Ce genre d’approche “en tonalité majeure” n’arrive pas à exprimer la portée intrinsèquement politique et culturelle des pratiques, à savoir la modalité par laquelle pratiques et praticiens font milieu et produisent des “savoirs situés” (Stengers, 2005STENGERS, Isabelle. Introductory notes for an ecology of practices. Cultural Studies Review, Melbourne, v. 11, n. 1, p. 183-196, mars 2005.; Haraway, 1988HARAWAY, Donna. Situated Knowledges: the science question in feminism and the privilege of partial perspective. Feminist Studies, Maryland, v. 14, n. 3, p. 183-201, automne 1988.). D’après cette perspective, la notion de présence traduit donc l’issue phénoménique d’un processus de formulation de connaissances et de compétences perceptives passant d’une part par l’incorporation (Noland, 2008NOLAND, Carrie; NESS, Sallie-Ann (Dir.). Migrations of Gesture. Minneapolis; London: University of Minnesota Press, 2008., p. 9) et, de l’autre, par des contraintes performatives, voire compositionnelles. La présence du performeur et celle générée par l’expérience d’une œuvre seraient des effets de la résonance entre les dynamiques physiques du geste et le dispositif:

Le concept de présence ne peut pas être réduit au seul corps du performeur sur scène, il doit être étendu jusqu’à impliquer celles que je définirais présences objectives - figurations constituées de matière sonore et lumineuse qu’on retrouve sur la scène performative ainsi que dans l’art des installations. Pour cela faire, il est nécessaire déplacer l’attention au corps et la porter sur la composition du dispositif, où toutes ces figurations de la présence prennent forme. C’est dans le dispositif, en fait, que les présences se manifestent, en permettant ainsi de développer - simultanément - une phénoménologie de la mise en présence des entités (y compris le corps) et de la survie des leur traces dans l’observateur (Pitozzi, 2012bPITOZZI, Enrico. Figurazioni: uno studio sulle gradazioni di presenza. Culture Teatrali: interventi e scritture sullo spettacolo , n. 21, p. 107-127, automne 2012b. Disponible sur: <Disponible sur: http://www.ravennateatro.com/nobodaddy/materiali/pitozzi.pdf >. Consulté le: 30 mars 2016.
http://www.ravennateatro.com/nobodaddy/m...
, p. 107-108).

En effet le corps physique, l’aspect technique de l’œuvre ou bien le témoignage du spectateur ne représentent pas, en soi, le véritable cœur battant du caractère élusif et captivant de la présence. Le je-ne-sais-quoi de la présence exprime, plutôt, l’espace pluripotentiel de la relation théâtrale, que ces nouvelles recherches performatives essaient de composer à travers l’attention (Perrin, 2012PERRIN, Julie. Figures de l’Attention. Cinq essais sur la spatialité en danse. Dijon: Les presses du réel, 2012.) ou, pour mieux dire, par le plan des sensations.

Des Questions Méthodologiques

La première caractéristique, parmi les plus évidentes, des théorisations contemporaines consiste à la déclinaison plurielle, ou bien à l’individuation de facettes multiples du concept jusqu’à ce point-là entendu au singulier. Contrairement aux décennies précédentes, pourtant, dès les années deux-mille l’usage au singulier est problématisé: pour un nombre croissant d’auteurs, la présence est interprétée comme instance essentialiste de l’expérience multifacettée du spectacle (Power, 2008POWER, Cormac. Presence in Play. A Critique of Theories of Presence in the Theatre. Amsterdam; New York: Rodopi, 2008., p. 13-14; 114; 198). Certains auteurs dont Power évitent pourtant de formuler de nouvelles méthodologies ou bien épistémologies des présences. Ceci est en soi un autre caractère commun de ce tournant. Leur caractère étant performatif, les pratiques nouées aux esthétiques de la présence ne cessent de questionner le corps du performeur, ce qu’il peut faire et devenir sur scène (Fischer-Lichte, 2014 [2004]; Féral, 2012FÉRAL, Josette (Dir.). Pratiques Performatives: Body Remix. Montréal; Rennes: Presses de l’Université du Québec; Presses Universitaires de Rennes, 2012.). Néanmoins, souvent les discours théâtrologiques ne saisissent pas en détail la dimension gestuelle du jeu performatif - celle qui, notamment dans le cas d’Ouverture Alcina, travaille même la structure compositionnelle. En effet, le sentiment d’une limite herméneutique des théories théâtrales est peut-être à l’origine de la prolifération des débats sur la présence.

Dans la même période, par contre, l’épistémologie des pratiques corporelles émerge dans le débat international. Bien qu’en traitant de la présence de manière apparemment marginale, cette branche d’empreinte phénoménologique fournit en réalité des outillages valables pour les théories théâtrales. Bien qu’ils bénéficient d’un vocabulaire articulé sur les enjeux physiques et de perception s’inscrivant dans le prémouvement10 10 Ici, on ne se réfère pas aux théories de Barba mais aux recherches en analyse du mouvement et en pratiques somatiques de Hubert Godard. En relation à la présence et aux études de Godard, Enrico Pitozzi décrit le prémouvement en tant que “[...] moment où la simulation [de l’action] s’incarne dans les muscles profonds [...] pour la préparation du mouvement” (Pitozzi, 2012b, p. 110; Godard, 1995, p. 236). A cette définition on ajoute l’importance de l’imaginaire et du vécu, d’ailleurs bien considérées par les deux chercheurs. Ces dimensions affectent la posture, le tonus du corps, la qualité et la variété motrice de chaque individu. Pour approfondir la question de la perception corporelle et des sensations en danse, voir aussi Godard (1994) et Foster (2010). et dans la pratique du geste, ces chercheurs11 11 On ne peut pas restituer, ici, un aperçu exhaustif d’un débat si fertile. On se réfère à des auteurs cités dans des recherches précédentes: De Giorgi (2015) et notamment Manning (2007), Noland et Ness (2008) et Noland (2009) représentent d’autres sources fondamentales. ne visent pas à définir ce que sont un corps, un geste, une pratique ou bien la présence. Le but de leurs recherches est la compréhension des micropolitiques par lesquelles les corps et les subjectivités - des entités que, depuis Michel Foucault, on ne peut que considérer politiquement12 12 On peut intégrer le point de vue de Mauss (1936) sur les techniques du corps par la notion foucaldienne de techniques de soi “[...] permett[a]nt aux individus d’effectuer, seuls ou avec l’aide d’autres, un certain nombre d’opérations sur leur corps et leur âme, leurs pensées, leurs conduites, leur mode d’être; de se transformer afin d’atteindre un certain état de bonheur, de pureté, de sagesse, de perfection ou d’immortalité” (Foucault, 1994, p. 785). - se construisent et se transforment par les pratiques et tout comme les pratiques. Dans plusieurs cas, les propositions théoriques se relient à des observations participantes et à des compétences sur la physiologie et l’analyse du mouvement. Si l’on remarque comment les modèles cognitifs13 13 Pour un aperçu des dialogues entre études théâtrales et neurosciences voir Sofia (2013a; 2013b, p. 18-43); l’auteur cite les recherches d’Alain Berthoz (1997) et les modèles neurophénoménologiques de Francisco Varela (Varela; Thompson; Rosch, 1999), également importants pour notre approche. (des interlocuteurs importants pour les théories théâtrales tout comme pour les somatiques) sont convoqués dans les deux champs, il est évident que le subtil silence sur le corps dont les études en théâtre sont parfois porteuses n’est pas le résultat d’un manque de sources scientifiquement valables et actuelles, mais plutôt du genre de questionnements qui sont à la base de leurs applications. Les esthétiques théâtrales s’arrêtent sur des définitions ontologiques de la présence ou bien sur une sorte de catégorisation de ses possibles enjeux techniques. Ainsi, la présence (au singulier), quelle que soit sa définition, est réifiée (Burt apud Lepecki, 2004LEPECKI, André (Dir.). Of the Presence of the Body. Essays on Dance and Performance Theory. Middletown: Wesleyan University Press, 2004.) car la performance ou, pour mieux dire, la particularité de l’expérience spectaculaire dont le théoricien a été avant tout témoin est souvent cristallisée voire occultée. Cette tendance s’accompagne de l’habitude de définir la présence en tant qu’intensification du quotidien, ou encore comme un effet de “plénitude du temps” (Lehmann 2002LEHMANN, Hans-Thies. Le Théâtre Postdramatique. Traduction: Philippe-Henri Ledru. Paris: L’Arche, 2002. (Postdramatisches Theater, 1999)., [1999], p. 17). Tel qu’il est, ce paradigme intensif paraît reproposer l’idée du charisme de l’acteur au niveau de l’expérience esthétique dans son ensemble. Pourtant, son usage généralisé entame le risque de limiter le spectre des phénomènes engendrés par la performance, qui ne devraient pas forcément être intenses pour susciter une expérience de présence.

Sur cette base, la question de la méthode d’analyse se complique lorsqu’on prend en considération des créations telles que Ouverture Alcina, où la notion de présence et l’action dramatique sont à leur tour mises en question par des pratiques de consomption des structures formelles - dans leurs configurations classiques - par un rigoureux travail gestuel et de perception. Dans son ouvrage, Frédéric Pouillaude parle d’un travail chorégraphique qui vise à engager de façon critique ce qu’il décrit comme “l’impossibilité de l’œuvre” en danse (Pouillaude, 2009). L’auteur nomme ce genre d’esthétique désœuvrement chorégraphique, se réferant à la transformation performative de cette impossibilité comme un potentiel, voire comme une matière d’ordre gestuel et perceptif. L’absence de l’œuvre, ne serait en effet qu’“[...] un certain fantasme de présence, qui se trouve à la base de la négation, de l’absence même”. L’auteur conclut que “la danse, c’est l’absence d’œuvre” (Pouillaude, 2009, p. 85, en italique dans l’original) et que, par là, la présence se manifeste sous les traits de la dépense énergétique, de l’auto-affection (Bernard, 2001BERNARD, Michel. De la Création Chorégraphique. Pantin: CND Editions, 2001., p. 99)14 14 L’auto-affection s’explique à travers la notion de chiasme intrasensoriel, un dispositif perceptif permettant d’intégrer des informations qualitativement différentes des mêmes expériences, d’un point de vue actif (par exemple, “je touche moi-même”) ou bien passif (“je suis touché par moi-même”), de manière non mutuellement exclusive. Voir Merleau-Pontyy (1976) et Bernard (2001, p. 99). et de la jouissance, qu’on pourrait considérer en tant que devenir non-productif de l’œuvre. Proches à la notion de désœuvrement chorégraphique sont les pratiques performatives que Lepecki considère “épuisant la danse” (Lepecki, 2006LEPECKI, André. Exhausting Dance. Performance and the politics of movement. London; New York: Routledge , 2006.). Ailleurs, par une approche non dissimile à celle de Lepecki, Petra Sabisch parle d’artistes “chorégraphiant des relations” par des procédés impliquant le corporel autant que le mental, le visible autant que l’invisible (Sabisch, 2011). Ce qui motive ces perspectives est un empirisme radical, une phénoménologie de l’invisible (Sabisch, 2011) et de la latence (Pitozzi, 2012bPITOZZI, Enrico. Figurazioni: uno studio sulle gradazioni di presenza. Culture Teatrali: interventi e scritture sullo spettacolo , n. 21, p. 107-127, automne 2012b. Disponible sur: <Disponible sur: http://www.ravennateatro.com/nobodaddy/materiali/pitozzi.pdf >. Consulté le: 30 mars 2016.
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, p. 108), qui considèrent la matière de l’objet esthétique en continu avec les forces habitant le plan d’immanence.

En outre, la présence paraît exprimer une force transversale par rapport aux plans pré-subjectif, individuel et collectif. Cette force participe à la détermination d’expériences empathiques et émotionnelles, pourtant elle trouve son origine sur un plan pré-personnel. La présence est par conséquent toujours imbriquée avec un plan précédant et excédant son identification: celui des sensations, voire des affects et des percepts (Deleuze; Guattari, 1991DELEUZE, Gilles; GUATTARI, Félix. Qu’est-ce qu’est la philosophie?. Paris: Les Editions de Minuit, 1991.) émergeant d’un champ de tensions et de relations. Par conséquent, on propose de considérer la présence à la lumière des théories et des politiques des affects, ainsi que des écologies des pratiques (Massumi, 2015MASSUMI, Brian. The Politics of Affect. Malden: Polity Press, 2015., p. 18; Stengers, 2005STENGERS, Isabelle. Introductory notes for an ecology of practices. Cultural Studies Review, Melbourne, v. 11, n. 1, p. 183-196, mars 2005.). Telle approche précise les traits intensifs, ou bien la texture affective de la présence permettant, par là, de déjouer d’autres dualismes sous-tendus aux discours courants.

Relire la Présence à la Lumière des Affects

Selon le modèle de Brian Massumi, l’affect n’est pas quelque chose de séparable du corps qu’il habite et mobilise; au contraire, la dimension intensive, donc forcement qualitative, de l’affect dénote le phénomène corporel (Massumi, 2015, p. 52). Précurseur des recherches de Gilles Deleuze, Félix Guattari et Massumi, Baruch Spinoza considère l’affect comme la puissance d’affecter et de l’être affecté (Massumi, 2015, p. 11) et le corps en tant que l’ensemble d’intensités et de dynamiques, voire la région traversée par cette force (Bernard, 2001BERNARD, Michel. De la Création Chorégraphique. Pantin: CND Editions, 2001., p. 63-71).

En outre, soutient Massumi, l’affect n’est qu’intensité et il se distingue de l’émotion, “[...] un contenu subjectif, la fixation sociolinguistique de la qualité d’une expérience qui, dès ce moment, est définie personnelle” (Massumi, 1995, p. 88). Par conséquent, l’affect est quelque chose qu’on perçoit seulement déjà à l’œuvre, en transition perpétuelle dans le milieu (Massumi, 2015, p. 48). L’impossibilité de connaître ce genre de forces comme un objet autre et défini par rapport à son propre regard, voire au delà des expériences qui nous traversent, demande par conséquent une perspective épistémologique et un détournement méthodique des dualismes.

La notion d’affect et celle de présence trouvent donc une signification nouvelle au sein des approches écologiques sur le corps et sur le geste. La corporéité est la région où les sensations se déclinent en états discrets et mobiles, permettant la coexistence d’instances passives et actives, subjectives et hors du sujet, formées et informes. Ceux-ci se constituent et se transforment en fonction des régimes de visibilité et le(ur) milieu (Stengers, 2005STENGERS, Isabelle. Introductory notes for an ecology of practices. Cultural Studies Review, Melbourne, v. 11, n. 1, p. 183-196, mars 2005.), plutôt qu’entre corps et esprit, présence et absence, sujet et objet. Sur le plan d’immanence, en fait, tout corps vivant est à la fois virtuel et actuel (Massumi, 1995MASSUMI, Brian. The Autonomy of Affect. Cultural Critique, n. 31, p. 83-109, automne 1995., p. 90):

L’affect est cette condition à double-face telle qu’elle est vue du côté de la chose actuelle, formulée dans ses propres perceptions et cognitions. L’affect, c’est le virtuel en tant que point de vue, à condition que la métaphore visuelle soit employée avec prudence. […] Les affects sont perspectives virtuelles synésthésiques ancrées dans (fonctionnellement limitées par) ce qui existe actuellement, choses particulières qui les incarnent. L’autonomie de l’affect, […] c’est son ouverture [openness] (Massumi, 1995MASSUMI, Brian. The Autonomy of Affect. Cultural Critique, n. 31, p. 83-109, automne 1995., p. 96).

Le paradoxe corporel consiste, en résumé, à cette coparticipation dynamique et en évolution constante des affects (les forces objectives) et des affections (leurs processus de subjectivation, voire leurs ancrages à d’entités particulières) à des instances subjectives, pré-subjectives, physiologiques et affectives dans la conformation de toute expérience sensible, y comprise celle appelée présence.

Cela signifie que s’il s’agit de formuler une ontologie, celle-ci sera une ontologie des pratiques de la présence, dont l’objet consiste à une micropolitique, voire une politique affective, tendant vers “[...] des degrés d’ouverture de toute situation, et l’amplification d’un potentiel inaperçu auparavant” (Massumi, 2015MASSUMI, Brian. The Politics of Affect. Malden: Polity Press, 2015., p. 58). On découvre ainsi, dans la pratique de la présence, une quasi-identité avec une pratique d’incorporation, effaçant l’idée de corps naturel et impliquant une technicité ou compétence sensible dont les sens seraient des prothèses du corps (Manning, 2007MANNING, Erin. Politics of Touch. Sense, Movement, Soverignty. Minneapolis; London: Minnesota University Press, 2007., p. XII-XIII). En conséquence, tout phénomène percevable et discernable est inévitablement médié et complexe. On ne parlera pas de présences ou d’absences absolues, mais de gradations de présence (Pitozzi, 2012aPITOZZI, Enrico (Dir.). On Presence. Culture Teatrali: interventi e scritture sullo spettacolo , Italia, n. 21, automne 2012a. ), ou bien de mises en présence et d’absentement fictionnels, inscrits dans des régimes de visibilité et d’invisibilité dont le théâtre se fait porteur.

Dans le cadre de l’analyse d’Ouverture Alcina, ce genre de perspective étend le champ de recherche au-delà de la seule présence de l’interprète. Du moment qu’elle est un enjeu gestuel et performatif, la présence est un phénomène projectif et contagieux; et puisqu’il s’inscrit dans des mécanismes d’incorporation, ce genre de gestualité engendre l’accumulation d’habitudes sensori-motrices et de savoirs qui s’articulent du plan sensoriel au conceptuel. Dans l’analyse de la pièce, des processus de composition et des discours des artistes du Teatro delle Albe, il est donc possible de tracer l’extension des enjeux somatiques de la présence sur d’autres plans, se penchant sur la composition et sur le lien entre l’œuvre et son milieu culturel.

Présence comme dispositif de composition: Ouverture Alcina

Ouverture Alcina (2009) est une création d’Ermanna Montanari et de Marco Martinelli, fondateurs de la compagnie théâtrale italienne Teatro delle Albe15 15 Martinelli et Montanari s’essayent avec leurs premières recherches dès la fin des années soixante-dix sans aucune formation académique, au nom d’une indépendance et d’une marginalité “géo-esthétique” par rapport aux circuits dominants en Italie à l’époque. Montanari rappelle deux moments d’apprentissage avec les grands noms du nouveau théâtre: un atelier de création conduit par Jerzy Grotowski et son expérience en tant que spectatrice de Carmelo Bene. Montanari et Martinelli en apprennent les méthodes, la rigueur compositionnelle, pourtant ils développent bientôt leur propre style. La Compagnie a été fondée en 1983 à Ravenna par Marco Martinelli, Ermanna Montanari, Luigi Dadina et Marcella Nonni et travaille actuellement dans les espaces du Teatro Rasi. La recherche de ces artistes s’inscrit dans l’horizon postdramatique, dont l’Emilia Romagna – région du centre Italie où la Compagnie réside – accueille d’autres expériences importantes aux niveaux national et international, dont la Societas Raffaello Sanzio. La poétique de la Societas porte sur l’exaspération et la déconstruction du langage théâtral, souvent à travers l’évocation d’imaginaires visuels très puissants, tandis que l’esthétique du Teatro delle Albe, apparemment plus conventionnelle, implique plutôt les liens entre scène, contemporanéité et cultures minoritaires. Un regard en détail permet en effet de noter que le travail sur la figure, sur la vocalité, sur les formes dramatiques se détachant du modèle représentationnel et l’intérêt pour l’iconographie classique et moderne font les points de contact parmi ces artistes. Pour d’autres sources, voir Martinelli, Montanari (2014), De Marinis (2005) et les sites des compagnies, proposant des bibliographies (Teatro..., 2016): <http://www.teatrodellealbe.com/eng/>. Consulté le: 19 déc. 2016; (Societas..., 2016): <http://www.societas.es/>. Consulté le: 30 mars 2016. (Image 1).

Image 1
Ermanna Montanari, Ouverture Alcina. Fin de la première séquence16 16 Images captées de la vidéo acquise sur autorisation de la Compagnie. .

La pièce est un extrait de L’isola di Alcina (2000L’ISOLA di Alcina. Concerto per corno e voce romagnola. Ravenna Teatro, Ravenna, 2000. 1 CD-ROM. 55 min.) et en reprend le sous-titre “concert pour cor et voix romagnole”. Cette appellation renvoie aux vers en dialecte romagnol de Nevio Spadoni17 17 Nevio Spadoni est poète, dramaturge et auteur d’essais, connu pour sa production en langue romagnole. Pour un aperçu de son parcours voir Cavaillé (2010, n. p.) et le site de l’auteur (Spadoni, 2016): <www.neviospadoni.com/>. Consulté le: 21 janv. 2016. Le texte d’Ouverture Alcina est contenu dans le CD L’isola di Alcina (2000). s’inspirant librement de l’Orlando Furioso (Roland Furieux, 1532), poème chevaleresque de Ludovico Ariosto considéré parmi les œuvres les plus représentatives de la Renaissance européenne18 18 L’Orlando Furioso est situé à l’époque de Charlemagne, au cours des guerres entre Chrétiens et Mores. Dans ce texte, Alcina est une magicienne vicieuse et vieille, qui dissimule son aspect et transforme ses amants en plantes et en roche. Voir Ariosto (2000 [1532]). . La notion de concert suggère que Ouverture Alcina n’est pas une représentation, ni un travail autoréférentiel de l’artiste au sens postmoderne du terme (De Marinis, 2005, p. 62; 49; Banes, 2002BANES, Sally. Terpsichore en Baskets: post-modern dance. Pantin: Chrion-CND, 2002. ; Kunst, [2003KUNST, Bojana. Subversion and the Dancing Body: Autonomy on Display. Performance Research , Cornwall, v. VIII, n. 2, p. 61-68, 2003. Publié en ligne le 6 août 2014. Disponible sur: <Disponible sur: http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13528165.2003.10871929 >. Consulté le: 2 mars 2017.
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] 2014). En outre, le choix de ce mot est l’indice du genre de processus et de pratiques que Teatro delle Albe conçoit pour cette pièce.

Spadoni donne voix à la folie d’amour d’Alcina par un monologue obsessif. Chez Ariosto, Alcina est une fée pratiquant la magie, séduite et abandonnée par le jeune chevalier Ruggiero; le poème entrelace ce récit avec l’histoire d’une femme portant son nom et de sa sœur cadette, qui souffrirent le même destin que la magicienne dans un village romagnol au début du XXe siècle. Aux deux récits correspondent deux univers linguistiques et vocaux différents: la langue italienne du XVIe siècle, d’empreinte toscane et donc proche de l’italien littéraire, et l’idiome romagnol, dur et obscur. L’intrigue est résumée avant le début du monologue et ensuite énoncée par la performeuse; pourtant le dialecte, qui est majoritaire dans le texte, reste presque incompréhensible sans le recours à un sous-titrage19 19 Les sous-titres, en anglais, restent visibles dans la captation vidéo de la pièce. .

Emergeant de l’obscurité par des lames de lumière, face aux spectateurs, Ermanna Montanari dialogue avec un paysage sonore de Luigi Ceccarelli20 20 Luigi Ceccarelli est un compositeur et musicien d’avant-garde d’origine romagnole connu sur la scène internationale. Plusieurs détails sont disponibles sur le site de l’artiste (Ceccarelli, 2016): <http:/www.edisonstudio.it/luigi-ceccarelli/>. Consulté le: 21 janvier 2016. , précédemment composé pour L’isola di Alcina et ensuite enregistré. Portant un maquillage à fond blanc et aux traits surchargés, vêtue en noir, une calla à la main, Alcina est la plupart du temps presque immobile et invisible. En suivant la mélodie de sa voix elle bascule, frémit, fait de petits gestes nerveux. Son idiome si âpre est le dialecte de Campiano, village où Ermanna Montanari est née et a grandi. Couramment parlé par quelques milliers d’habitants dans la région de la Romagne, ce dialecte est une “langue des morts”21 21 L’artiste décrit souvent en ces termes son dialecte, en se référant à la fois à l’histoire de sa famille et au destin de cet idiome. Faute d’autres références, les informations sur la pièce et sur la poétique de la Compagnie renvoient à un entretien personnel avec l’artiste. Voir Montanari (2011) et aussi Mariani (2012, p. 163-175). (Montanari apud Melandri, 2008MELANDRI, Lea. Alchimia dell’Impuro. Conversazione con Ermanna Montanari, “La Repubblica delle Donne”, 13 sept. 2008. N. P. Consulté d’après le site de Libera Università delle Donne. Disponible sur: <Disponible sur: http://www.universitadelledonne.it/lea13-9.htm >. Consulté le: 18 décembre 2016.
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, n. p.) de moins en moins transmise aux nouvelles générations. Ainsi, en empêchant la compréhension du récit par les spectateurs, la pièce produit le délire d’Alcina sur scène au lieu de le représenter. En outre, la performance se déroule dans une obscurité presque totale, favorisant l’émersion de suggestions sensorielles et la perte des repères spatiaux. Ces détails dévoilent un projet visant à perturber les conventions relationnelles théâtrales par le biais d’une forme-musique. La structure de la composition et son rapport avec les partitions performatives méritent donc une attention particulière.

Fabula: l’inactualité du sujet entre plan textuel et vocal

Dans le texte de Spadoni, Alcina doit son nom au père, lecteur passionné du poème d’Ariosto. Après la soudaine fuite de l’homme, elle et sa sœur - qu’il appelait la principessa (la princesse) - prennent en charge le chenil de famille, aux abords du village et entouré d’un bois. Leur existence est marginale et solitaire, jusqu’au jour où un jeune étranger leur rend visite. Bientôt, ce voyageur sans nom séduit la principessa; alors Alcina, jalouse de leur liaison, lui soustrait le jeune homme à l’aide un philtre aphrodisiaque. Après avoir pris du plaisir en secret avec elle pendant quelques mois, l’étranger disparaît. L’abandon conduit la principessa à la folie et Alcina, obligée de s’occuper d’elle, souffre bientôt du même sort. Abêtie, elle donne voix à sa souffrance et invective sans cesse les coupables de son destin - sa famille, les hommes, le village entier - en quelque sorte préfixé par le nom qu’elle porte. Ouverture Alcina est donc la manifestation du ressentiment de cette “créature” qui est sans fin, parce qu’elle (ou bien son spectre) est condamnée, tout comme chez Ariosto, à l’immortalité.

Dans ce monologue “il n’y a pas d’action, il n’y a pas de drame, seulement l’errance de la voix bourlingueuse”: le croisement entre le poème de Spadoni et les lignes d’Ariosto, entre dialecte et italien, est le pré-texte pour manifester sur le plan vocal le seul événement véritablement dramatique de la pièce, le mouvement du délire d’Alcina, une “vision fabulatoire où l’on peut se perdre comme dans l’écroulement des rêves”22 22 Fiche de présentation d’Ouverture Alcina, disponible sur le site de la Compagnie: <http://www.teatrodellealbe.com/ita/spettacolo.php?id=67>. (Consulté le: 7 déc. 2015). . L’accès à l’univers narratif de l’œuvre est donc possible par le plan matériel, pré-linguistique, de la relation théâtrale. En recourant au dialecte, en fait, les artistes ne souhaitent pas engager un discours politique ou d’ordre simplement local, ni mettre en scène une atmosphère folklorique. L’enjeu est plutôt d’exploiter d’une part la musicalité et, d’autre part, l’incommunicabilité de cet idiome. Ouverture Alcina vise ainsi à engager l’imagination et les sensations moins à travers la compréhension des vers, qu’à travers la vibration, le “grain”23 23 On reprend l’expression de Roland Barthes – le “grain” de la voix – qu’on retrouve dans ses réflexions sur la vocalité et ses points de contact avec la musique. “Le ‘grain’, ce serait cela: la matérialité du corps parlant sa langue maternelle: peut-être la lettre; presque sûrement la signifiance. [...] Le ‘grain’, c’est le corps dans la voix qui chante, dans la main qui écrit, dans le membre qui exécute” (Barthes, 1981, p. 58). Un ouvrage d’Enrico Pitozzi à paraître (Pitozzi, 2017) permet d’approfondir la question de la vocalité et du son dans le travail d’Ermanna Montanari et figure le texte complet de la pièce. , la vocalité de la parole (phoné). Un formidable travail vocal, sonore et gestuel est mis en place, de sorte que la puissance expressive de la langue, et donc du poème, est provoquée sur le plan sonore et kinesthésique, constituant la texture dramatique fondamentale de la pièce. À l’aide de l’obscurité, Alcina se dévoile alors en tant qu’une présence moins visible qu’écoutable et, surtout, kinesthésiquement contagieuse. Par d’interminables réorganisations du matériau improvisé sur la base du texte et, Montanari et Martinelli font du délire, de la fabulation24 24 Notions relevant de la pensée de Deleuze et Guattari. Petra Sabisch les cite parmi les principes performatifs d’organisation du sensible, de l’invisible, ou bien encore des relations, auxquelles le projet chorégraphique aurait été étendu dans les recherches actuelles (Sabisch, 2011). une logique formelle générative, donnant ainsi corps à ce qui n’est pas représentable25 25 “Les limites formelles [d’Ouverture Alcina] sont sujettes à la pression interne du matériau: qu’il s’agisse de la voix-corps d’Ermanna, de la tension de la lumière ou bien des architectures sonores de Ceccarelli, leur volcanicité ne fait que presser contre, agir contre les limites de la structure formelle” (Martinelli; Montanari, 2014, p. 188). .

En ce sens, Ouverture Alcina est un cas intéressant pour les recherches sur la présence parce que la performance questionne, par le délire, le statut de la subjectivité en tant que phénomène marquant l’évolution de la culture appelée occidentale. Cet aspect demande un regard plus en détail sur les micropolitiques affectives que la pièce met en place par rapport à la langue. Selon Jean-Pierre Cavaillé (2010CAVAILLÉ, Jean-Pierre. L’Île d’Alcina, le Romagnol, Langue de Création Contemporaine, 13 octobre 2010, n. p. Disponible sur: <Disponible sur: http://taban.canalblog.com/archives/2010/10/13/19316158.html >. Consulté le: 15 déc. 2016.
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), dans Ouverture Alcina le dialecte est traité en tant que langue basse, “humorale”; l’importance accordée “[...] aux émotions et au déchirement de la voix de la comédienne et de la musique” implique la “réhabilitation de la langue (socialement) basse, comme langue du corps et du pulsionnel”. Par là, la valorisation de ce que la “[...] représentation dominante considère comme défaut intrinsèque confirme évidemment et légitime le rapport de domination” (Cavaillé, 2010). Dans un sens, cette position paraît légitime. À cet univers local, mineur, en effet, le Teatro delle Albe - et notamment Montanari - joignent une poétique vitaliste de la voix, le médium restituant la densité et l’énergie contenue dans la matière et les cavités du corps.

Pourtant, les artistes sont également conscients des traces et des fantasmes relevant des traditions orales, présents dans le poème d’Ariosto et des intrigues qui le composent. Le genre d’archéologie linguistique performé sur scène par Montanari permet de mobiliser, dans l’espace communautaire du théâtre, un univers culturel autre par rapport au paradigme moderne. On verra par la suite que ce geste d’appropriation est justement à l’origine de la puissance de la performance de Montanari. Il est pourtant intéressant de préciser que le poème d’Ariosto et la pièce regardent de manière différente l’émersion orageuse de la conscience moderne. La tendance, bien que tourbillonnante, vers l’individuation d’un Je qui marque les personnages d’Ariosto (Gervasi, 2015GERVASI, Paolo. Orlando Furioso: il poema della coscienza. Reti, Saperi, Linguaggi. Italian Journal of Cognitive Sciences, Italia, p. 335-347, 2015. (Publié sur le site Doppiozero, 19 séptembre 2016, n. p., extrait du texte de GERVASI, Paolo. Plot of meanings. Ludovico Ariosto’s Orlando furioso as a case-study on narrativity and cognition).), dans cette pièce est suspendue, empêchée. On va comprendre ensuite comment cette suspension est à part entière une instance de résistance, voire le refus de confiner les forces pré ou proto-subjectives dans les modèles de subjectivité - et, par là, de représentation - dominants.

Au-delà du Subjectif: une organisation chorale de la matière

Ouverture Alcina s’organise en sept séquences: un prélude instrumental, le “prologue en octave”, le “Fuggesi Alcina” (Alcina s’enfuit), “L’étranger”, l’“Invective contre les hommes”, l’“Amour d’Alcina I”, l’“Amour d’Alcina II” , le “Final de l’Abêtissement”26 26 Livret du CD Ouverture Alcina (2011). Il s’agit d’une sélection des séquences de l’Isola di Alcina (Ceccarelli, 2002). Le final de l’Abêtissement, qu’on retrouve dans le solo du 2009, figure dans un enregistrement disponible sur Youtube (L’isola di Alcina, 2010). Des extraits audiovisuels d’une sélection des séquences du solo sont également disponibles sur Youtube (Ouverture Alcina, 2010a; Ouverture Alcina, 2010b; Ouverture Alcina, 2010c; Ouverture Alcina, 2010d; Ouverture Alcina, 2012a; Ouverture Alcina, 2012b). . Le dialecte s’approprie le récit notamment à partir du mouvement central, lorsqu’Alcina s’écarte complétement de la narration pour se perdre dans son délire. Cet éloignement de plus et plus marqué de l’italien provoque déjà une désorientation chez les spectateurs. Pourtant, celle-ci ne suffit pas à restituer l’intensité de la pièce: on doit s’adresser à l’interaction entre structure formelle, matière performative et dispositif scénique.

Le délire d’Alcina se porte sur des formes d’énonciation différentes, non seulement linguistiques mais performatives, affectant l’état perceptif des spectateurs. Félix Guattari appelait ce genre de dispositifs affectifs ritournelles,

[...] des séquences discursives réitératives, fermées sur elles-mêmes, ayant pour fonction une catalyse extrinsèque d’affects existentiels [qui] peuvent prendre pour substance des formes rythmiques, plastiques, des segments prosodiques, des traits de visagéité, des emblèmes de reconnaissance, de leitmotive, [...]; elles peuvent également s’instaurer transversalement entre différentes substances (Guattari, 1990GUATTARI, Félix. Ritournelles et affects existentiels. Chimères: Revue des schizoanalyses fondée par Gilles Deleuze et Félix Guattari, n. 7, p. 1-15, hiver 1990. Disponible sur: <Disponible sur: http://www.revue-chimeres.fr/drupal_chimeres/files/07chi03.pdf >. Consulté le: 30 mars 2016.
http://www.revue-chimeres.fr/drupal_chim...
, p. 6).

Lorsque de cette figure immobile l’on commence à entendre la cantilène des vers d’Ariosto, interrompue par le rire croassant de la fée, la différence de mélodie et de timbre entre les deux registres ne restitue pas l’impression d’un dialogue. Les deux monologues simplement coexistent et proviennent tous les deux de l’intérieur de la figure. Une voix répète de façon élégante et impersonnelle les vers de l’Orlando Furioso comme s’il s’agissait d’une cantilène ; celle-ci a une fonction proche de celle du chœur dans le théâtre classique: formuler les instances de l’opinion commune, qui veut ici les deux sœurs “iniques et scélérates” (“inique e scellerate”, Teatro delle Albe, 2011) - thème sur lequel Alcina va ensuite décliner son invective.

Sur le plan gestuel, autant que du récit, c’est la déshumanisation de la figure d’Alcina qui est en jeu. La posture et le visage de Montanari sont presque impassibles; on y remarque les micromouvements nécessaires à la vocalisation du texte mais dans aucun cas ceux-ci sont affectés par l’expression d’émotions. En effet, la silhouette qu’on voit sur scène ne coïncide pas complètement avec Alcina. Il existe plutôt, dirait-on, de différentes entités ou présences invisibles émergeant d’un corps anonyme, sans qu’aucune de ces entités coïncide avec un Je (Montanari apud Melandri, 2008MELANDRI, Lea. Alchimia dell’Impuro. Conversazione con Ermanna Montanari, “La Repubblica delle Donne”, 13 sept. 2008. N. P. Consulté d’après le site de Libera Università delle Donne. Disponible sur: <Disponible sur: http://www.universitadelledonne.it/lea13-9.htm >. Consulté le: 18 décembre 2016.
http://www.universitadelledonne.it/lea13...
). En d’autres mots, Alcina est dans la femme, dans la fleur qu’elle garde dans ses mains, et dans la voix; pourtant, elle ne coïncide pas avec celles-ci, mais avec la vibration qui permet de les vocaliser, avec le mouvement de lumière qui permet de les visualiser. Sa substance est vibratoire et elle se fait percevable à travers les corps, les corpuscules lumineux, la qualité de l’espace de relation. Dès le début, la cohérence de la figure est perturbée par un manque d’identité et par la perte d’une connotation humaine. En ce sens, la pratique de l’artiste arrive à restituer, sur le plan de la mise en scène, une impression esthétique cohérente du processus performatif qu’elle active en soi-même.

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Ermanna Montanari, Ouverture Alcina. Le prologue.

Accordance: du plan compositionnel au devenir des affects

La méthode engagée dans la composition consiste à la triangulation de la matière performative - d’ordre kinesthésique, vocal et affectif - par des contraintes spatiales et visuelles, ainsi que par l’interprétation du texte; ce procédé est moins fonctionnel pour figer la matière que pour lui donner des appuis pour devenir. La triangulation est en effet un procédé gestuel, en ce qu’elle étend les plans perceptif et du micromouvement au dispositif et à l’espace environnant les effets du travail performatif. Ainsi, les plans de composition sont tous fonctionnels à la mise en place d’une micropolitique affective (Massumi, 2015MASSUMI, Brian. The Politics of Affect. Malden: Polity Press, 2015., p. 58) qu’ici on appelle “présence objective” (Pitozzi, 2012bPITOZZI, Enrico. Figurazioni: uno studio sulle gradazioni di presenza. Culture Teatrali: interventi e scritture sullo spettacolo , n. 21, p. 107-127, automne 2012b. Disponible sur: <Disponible sur: http://www.ravennateatro.com/nobodaddy/materiali/pitozzi.pdf >. Consulté le: 30 mars 2016.
http://www.ravennateatro.com/nobodaddy/m...
, p. 107-108).

En raison du genre de composition engagée, Ermanna Montanari n’exprime pas des gestes ou impulsions relevant seulement d’une expérience autoréférentielle de la performance. Au contraire, sa pratique réalise une sorte de subjectivation, toujours provisoire, d’une matière travaillée en duo, à plusieurs reprises, avec Ceccarelli ou Martinelli. En outre, en s’agissant de sensations, lors du partage avec le public la subjectivation est un geste qui n’appartient pas qu’à la seule artiste: il devient un processus littéralement choral, ou bien intersubjectif. Le corps de Montanari, sa qualité de présence, n’est qu’un médiateur de la mise en circulation des forces de la pièce.

La logique affective de ce solo produit des altérations perceptives par rapport à sa structure formelle. La première conséquence est un écart entre le rythme et la temporalité perçue. La pièce consiste en un enchaînement de séquences apparemment sans but, ni réel achèvement dramatique; ces moments sont signalés chaque fois par le retour de la scène à l’obscurité, pourtant le paysage sonore, tissant la basse continue de la performance, ne s’arrête jamais. Le récit, et notamment les gestes, sont exécutés en synchronie avec la partition sonore enregistrée; par contre, indépendamment de ses coordonnées temporelles effectives, chaque part semble plutôt garder sa propre durée et, par là, sa propre autonomie par rapport aux autres. Cette coexistence de synchronies et de polyrythmies fonctionne, soit tient la matière performative ensemble, en vertu d’un accordage du projet de mise en scène à cette dernière; l’accord a été prévu dès le début mais il est fabriqué, chaque fois, au moment de la performance. L’accord ou accordanse - une notion que nous empruntons à l’analyse du geste dansé (Roquet, 2002ROQUET, Christine. La Scène Amoureuse en Danse. Codes, modes et normes de l’intercorporéité dans le duo chorégraphique. Paris: EDESTA, Département Danse, Université Paris VIII, 2002.) - est ici étendu au plan performatif entier et consiste à la mise en relation des partitions, de tout élément de la mise en scène et de la qualité somatique d’attention (Csordas, 1993CSORDAS, Thomas J. Somatic modes of attention. Cultural Anthropology, United States, n. 8, v. 2, p. 135-156, 1993.) de Montanari avec les mêmes suggestions. Pourtant voix, gestes et rapport à l’espace réagissent de manière différente et variable, parce que chaque plan et chaque registre bénéficient d’une certaine autonomie au niveau de l’énonciation.

La logique affective de la pièce passant par l’accord se fait plus évidente en considérant la chorégraphie gestuelle d’Alcina. Son plan de composition oscille entre partition et improvisation plus ou moins structurée. Les mouvements, les gestes et les dessins vocaux d’Alcina ont été conçus par Montanari dès le début hors du réalisme psychologique, en tant qu’effets du travail sur la voix et de composition sonore avec Ceccarelli. Dans cette pratique en duo, le sens de l’accord est littéral. Pendant la création du monologue, Montanari envoie au compositeur les enregistrements de ses essais sur le texte de Spadoni. Ceccarelli les écoute et lui renvoie des fragments sonores esquissés sur la base des vocalisations. C’est à partir de l’accumulation de ce matériau brut, improvisé, modifié à chaque passage, que la figure d’Alcina prend corps. Le cor, sa langue et sa voix se rassemblent pour leurs tons âpres, rauques, stridents; ils se font écho sans cesse en s’appuyant sur des assonances, sur des rythmes, sur des cadences - certainement pas sur une logique narrative (Ceccarelli, 2002).

Pour être gardés dans la finalisation de la pièce, même les petits gestes et les frémissements devraient respecter une double condition: donner corps au mouvement et au grain de la voix, du tissu sonore, aux impulsions kinesthésiques qu’elle produit, et restituer d’autant plus une figure cohérente dans l’obscurité. Leur fonction n’est ni mimétique ni symbolique, mais à son tour inscrite dans une triangulation entre forces et formes qui s’organise sur plusieurs plans, du potentiel du prémouvement à l’actuel de la pratique performative.

L’écoute des détails perceptifs les plus infimes permet à l’artiste de conduire la performance de manière fluide et, à la fois, avec la plus grande rigueur. Projetée à la verticale, rigide, Montanari paraît nier le poids ainsi que la relation au sol. Parfois, elle se met en équilibre précaire, dans des positions fatigantes. Ces organisations de la posture réduisent sa kinésphère, augmentent le tonus général des muscles et provoquent aussi déséquilibres et tremblements spontanés tout au fil du monologue. Au moment de reprendre les mouvements chorégraphiés Montanari revient instantanément à un tonus souple, à des positions stables et dessine avec ses mains des gestes spiralés et élégants. De par cette constante tension entre mouvement et immobilité, le travail de Montanari permet de susciter une contagion gravitaire et kinesthésique extrêmement intense.

Un autre outil contribue à la création de ce lien, le microphone. L’amplification de la voix d’Alcina tiraille la sonorité de la langue italienne tout comme du dialecte. Le microphone permet de dévoiler des détails phoniques autrement imperceptibles, de déshumaniser les vocalisations de Montanari et de les fondre avec la partition musicale. Ainsi, la voix n’appartient plus à la seule figure d’Alcina, ni à Ermanna Montanari qui l’incarne: elle dévient événement, concert, matière inséparable du cor et des délires électroniques de Ceccarelli.

L’Anonymat de la Figure, ou Composer les Chiasmes Sensoriels

Montanari décrit son processus de création d’Alcina comme une série de rapprochements expérimentaux à des suggestions émues par le texte - gestes, sons et images. Son outil essentiel est la proprioception, organisant une modalité d’attention extrêmement subtile et complexe sur ce qui émerge de l’instant. Le premier but de ce dispositif d’écoute consiste à intercepter l’émersion d’une affection et à en amplifier la force. Pour nommer les configurations multisensorielles qui émergent de manière spontanée, Montanari parle de fragments, souvent constitués par des éléments phoniques et kinesthésiques bien avant que figuraux. Chaque fragment implique une affection plus ou moins immédiate, intense, ou bien subtile, tiraillée, autant que l’ouverture d’une sorte d’espace fictionnel, un pan intéroceptif où les sens se regardent.

La durée entre l’activation de l’écoute et la détermination des issues affectives, ainsi que la qualité de l’atmosphère de cet espace intime, s’incarnent dans la tonalité et le grain de la voix, des mouvements et des gestes. Parallèlement, dans le processus de création et dans la performance, Ermanna Montanari met à l’œuvre un dispositif de transformation de cette matière en fragments synesthésiques plus articulés. Des repères utiles à comprendre ce processus nous sont donnés par Maurice Merleau-Ponty (1976 [1945]) et par Michel Bernard (2001BERNARD, Michel. De la Création Chorégraphique. Pantin: CND Editions, 2001.). Le genre de présence à soi, centré sur la proprioception, que Montanari travaille donne d’abord beaucoup d’importance à la polarité passive de l’auto-affection, aussi bien qu’à l’écart entre sensation et énonciation du vécu sensoriel, autrement dit chiasme parasensoriel. Un autre plan impliqué dans ce dispositif somatique d’attention est le chiasme intersensoriel, autrement dit synesthésie. Montanari travaille notamment la correspondance entre écoute et vision, son et image. Pourtant c’est la distance, le seuil entre les deux premiers et le troisième chiasme qui est fondamentale et - dit l’artiste - abyssal. La synesthésie, en fait, est chargée d’une fonction différente (d’un geste différent) par rapport à l’auto-affection: d’une part, cette dernière produit une qualité d’attention intra-sensorielle périphérique, en quelque sorte passive, et porte sur l’écoute des perceptions plutôt que sur leur contrôle. De l’autre, les issues synésthésiques fabriquent des blocs de sensations plus raffinés, par lesquels la performeuse est à nouveau habitée et agie, soit touchée chaque fois au niveau intrasensoriel. Pour Montanari ces blocs ou bien figures représentent des forces animées d’intentions autonomes, qu’elle n’est pas censée prévoir ni contrôler avant qu’elles se manifestent par leur biais. Cette attitude paraît exprimer l’incorporation d’une poétique explicite du Teatro delle Albe: la conception de l’imaginaire collectif et des archétypes d’après des modèles jungiens (Martinelli; Montanari, 2014MARTINELLI, Marco; MONTANARI, Ermanna. Primavera Eretica. Scritti e interviste – 1983-2013. Corazzano: Titivillus , 2014., p. 87-89; 224), qui pourtant, chez les artistes, paraît réfuler des modèles psychologiques précis27 27 Sur les notion d’archétype et d’inconscient collectif, voir C. G. Jung (1981 [1969]). . Il s’agit donc d’un genre de travail s’organisant lui-même sur plusieurs plans, chacun ayant ses contraintes, ses tâches et sa dimension gestuelle.

Présence(s), Délire(s) et Résistance(s) sur le Plan d’Immanence

Considérons enfin l’abêtissement d’Alcina. La séquence finale s’ouvre par un retour soudain et explosif du cor. Au milieu de la scène, Alcina s’ouvre à un délire violent. Plongée dans un son crépitant, elle s’exclame comme pour rejoindre ses interlocuteurs à travers une distance immense. Alcina décrit le bois entourant son village comme une extension d’elle-même: un paysage nocturne et orageux où elle s’est perdue, un lieu infesté par les échos de son désir et de sa souffrance. Le ton de sa voix se fait à fur et à mesure plus grave, son tremblement plus fort; le volume sonore reflète la violence de ses petits gestes. Par les mots de Deleuze et de Guattari, on perçoit le climax du mouvement symphonique des blocs de sensation: “De l’endo-sensation à l’exo-sensation. C’est que le territoire ne se contente pas d’isoler et de joindre, il ouvre sur des forces cosmiques qui montent du dedans ou qui viennent du dehors, et rend sensibles leur effet sur l’habitant” (Deleuze; Guattari, 1991, p. 176). Alcina envahit l’espace et les corps des spectateurs, qui - étant habités par une présence sonore qui ne lui appartient pas - deviennent des véritables caissons de résonance pour son délire.

Ainsi, une sensation de dépossession et une perte d’orientation spatiale s’imposent, au moins sur une spectatrice en particulier - celle qui écrit. Au moment d’assister à cette séquence28 28 Spectacle du 11 mars 2011, Laboratori Azzo Gardino, Bologne, Italie. , les vibrations du tissu sonore de Ceccarelli se répandaient du sol aux jambes et notamment à l’intérieur du tronc. Le grain de voix d’Alcina provoquait des tensions et des petits frissonnements sur toute la surface du corps. Proprioception et extéroception étaient stimulées par des vibrations similaires, donnant ainsi l’impression que la limite entre intérieur et extérieur du corps se faisait de plus en plus fine et faible (une sensation amplifiée par l’obscurité). La vibration transformait aussi le tonus habituel du corps. Les muscles cervicaux se contractaient de manière involontaire - un effet persisté jusqu’à la sortie de la salle.

Au moment d’amorcer le premier essai d’analyse, les traces de cette expérience dans ma mémoire musculaire ont signalé un aspect inusuel: l’absence d’imaginaires ou bien d’interprétations personnelles sollicités sur l’instant par la performance. Notamment pendant la séquence finale, en effet, les perturbations kinesthésiques étaient tellement fortes qu’elles m’obligeaient à rester attentive, à l’écoute, pourtant vidée de tout agencement de résistance ou bien de subjectivation. La sensation de cet envahissement perceptif, intensifié par la condition d’immobilité caractérisant le spectateur, rendait l’expérience de la présence d’Alcina troublante, hypnotique, non localisable. D’ici, il paraît intéressant de terminer l’investigation en interrogeant ces effets subjectifs à la lumière de la poétique d’Ermanna Montanari, ce qui nous permettra de décrire le caractère féminin d’Alcina comme un devenir minoritaire.

L’expérience d’ Ouverture Alcina provoque la dissolution des limites et des espaces individuels, sans différence entre intérieur et extérieur, salle, corps, objets, ainsi que l’appropriation de ces espaces, corps et objets. Pourquoi? Dans le récit, Alcina n’a jamais réalisé ses propres désirs, ni engagé des relations paritaires avec le monde extérieur dont les spectateurs représentent, selon les conventions théâtrales, une métonymie. Sur le plan performatif les artistes du Teatro delle Albe font de cette situation l’origine d’un travail sur l’agressivité et sur la possession comme vengeance, niant toute expression démocratique de “mésentente” à partir de la formulation de chaque geste (Manning, 2007MANNING, Erin. Politics of Touch. Sense, Movement, Soverignty. Minneapolis; London: Minnesota University Press, 2007., p. XVII). Par les mots de ses créateurs, Ouverture Alcina est un monologue “suspendu et ambigu entre la dimension musicale et psychique”. La performance restitue donc, sur le plan d’immanence, une “ouverture sur l’univers mental d’Alcina, sur son écroulement tourbillonnant”29 29 Fiche de présentation d’Ouverture Alcina disponible sur le site du Teatro delle Albe: <http://www.teatrodellealbe.com/ita/spettacolo.php?id=67>. Consulté le: 30 mars 2016. , où le sujet explose. Ce sujet est incarné en premier lieu par la performeuse, pourtant en renvoyant à la figure esquissée par le poème. La façon dont le devenir-féminin d’Alcina est entendu, travaillé et se métamorphose, par contre, nous permet de donner un dernier aperçu du placement du Teatro delle Albe par rapport à l’univers culturel et idéologique qui entoure leur travail.

En premier lieu, Alcina est un féminin-phantasme; sa matière sont traces et ruines d’un sujet individuel. Son obsession doit sa force à la dimension magmatique du pré-personnel, à savoir des affects. Par conséquent la condition du sujet, voire de l’individu entendu comme modèle socialement représentable, lui est étrangère. Alcina y échappe parce qu’elle est une figure - ainsi qu’une fonction du texte dramatique - se constituant avant, après, en dehors de la parabole existentielle de l’individu, tout comme du personnage. Deuxièmement, le féminin n’est pas une des facettes de son identité, mais plutôt de son devenir mineur (Deleuze, 1979DELEUZE, Gilles. Philosophie et minorité. Critique, n. 369, p. 154-155, février 1978. In: L’Homme et la société, Paris, Ed. de Minuit, n. 51-54, p. 263, 1979., p. 154-155). D’ailleurs, le texte de Spadoni est effectivement une littérature mineure (Deleuze; Guattari, 1975). Plus généralement, la poétique des figures de Montanari est mineure en ce qu’elle suit un principe de transvestisme, résultant d’un ensemble de procédés compositionnels visant à décaler la figure d’un genre stéréotypé (Mariani, 2012MARIANI, Laura. Ermanna Montanari. Fare-rifare-disfare nel Teatro delle Albe. Corazzano: Titivillus, 2012., p. 238-244). Pourtant, dans le cas d’Alcina, ce féminin s’inscrit dans un discours plus ample et complexe, se reliant au choix du délire et de la projection sur le spectateur en tant que forces performatives, à l’obsession amoureuse en tant que pré-texte et au regard sur la culture au tournant du XXe siècle en tant que cadre dramaturgique fondamental. Ouverture Alcina, me paraît-il, est une ouverture charnelle, antipsychologique et diffractée sur l’imaginaire psychique féminin que la psychanalyse propose dans sa première phase de diffusion et légitimation. Celui qu’on retrace dans la pièce est plus précisément l’antiunivers d’une pratique psychanalytique entendue en tant que performative, en ce qu’elle fabrique une configuration précise de la conscience subjective; une pratique qui compte significativement dans ses propos, à l’époque où l’Alcina de Spadoni se situe, la détermination des pathologies propres à l’essence féminine, avec les contradictions et les partialités qu’on reconnaitrait plus récemment (Hillmann, 1977HILLMAN, James. Le Mythe de la Psychanalyse. Traduction: P. Mikriammos. Paris: Imago, 1977.). Si ce lien n’est pas explicité par les artistes, le genre de pratique performative dont Montanari parle et qu’on a essayé de restituer paraît valider cette perspective et surtout présenter des traits antipsychologiques.

Par cette approche, il est possible de trianguler les tensions entre modèle psychique et figure avec une perspective - post-jungienne - sur le féminin en tant que dimension de l’inférieur, de l’impur, du fertile, qui relèvent d’un archétype dionysiaque (Montanari apud Melandri, 2008MELANDRI, Lea. Alchimia dell’Impuro. Conversazione con Ermanna Montanari, “La Repubblica delle Donne”, 13 sept. 2008. N. P. Consulté d’après le site de Libera Università delle Donne. Disponible sur: <Disponible sur: http://www.universitadelledonne.it/lea13-9.htm >. Consulté le: 18 décembre 2016.
http://www.universitadelledonne.it/lea13...
). James Hillmann a investigué et décrit cette dimension archétypique constituant un mouvement fondateur de la vitalité psychique et, par là, un élément central dans tout parcours d’analyse, sans distinctions entre les genres. Par contre, une certaine image du dionysiaque-féminin a été cristallisée dans les représentations normatives et médicalisées de la psychologie féminine par la culture psychanalytique et philosophique dominante (Hillmann, 1977). Le délire d’Alcina opère donc un écart et une diffraction de cette culture majoritaire en bouleversant le modèle du féminin, des modes de relation et des schémas psychologiques qui en relèvent. Le délire qui fabrique la présence d’Alcina travaille sur et à travers la langue, sur les conventions du théâtre en tant que lieu de la vision mais surtout, en imposant son autoritaire politique des affects, il opère sur le théâtre en tant que lieu où la majorité se représente et se reconnaît, entre égaux, en tant que communauté et culture dominante. En ce sens, le délire fait écho à l’invective contre les hommes et contre l’opinion commune qui s’exprime sur le plan textuel. Il représente une des stratégies d’altération, de déraillement des idéologies du théâtre et de la culture contemporaine que Montanari et Martinelli recherchent en tant que Dionisou technitai, artisans de Dionysos (Montanari apud Melandri, 2008; Martinelli; Montanari, 2014, p. 171).

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Ermanna Montanari, Ouverture Alcina. L’invective contre les hommes.

Dernières Considérations sur la Micropolitique de la Présence

Dans le but d’analyser ce solo au prisme de la présence, il est donc utile de la considérer à l’intérieur de la triangulation de trois plans déployant les politiques du sensible et des affects. Le premier plan, la figure, relève avant tout de la recherche vocale, sonore et gestuelle de Montanari, qu’elle a conduite seule ou à l’aide de Luigi Ceccarelli. La figure traduit ici l’accumulation et la transformation des sensations en matière performative.

Le deuxième plan est la présence qui habite, traverse la performeuse et s’étale d’elle: un dispositif d’affection synesthésique résultant d’une première restitution à l’extérieur du travail figural faisant le fond de l’accord avec les spectateurs. Cette présence croise plusieurs niveaux de triangulation des formes et forces et dépasse ainsi la seule auto-affection, soit une expérience sensorielle de présence à soi qui regarde, tout d’abord, la figure en tant que fragment ou bloc de sensations à niveau proprioceptif. Ainsi, ce qu’on appelle présence est une micropolitique relevant du travail performatif de Montanari s’orientant vers la réalisation d’un premier degré d’autonomie et d’objectivation, c’est à dire un geste et un objet esthétique “se tenant debout” tous seuls (Deleuze; Guattari, 1991DELEUZE, Gilles; GUATTARI, Félix. Qu’est-ce qu’est la philosophie?. Paris: Les Editions de Minuit, 1991., p. 155). La modulation de la présence, qui entoure le travail performatif sur la figure, fait alors déjà partie d’une instance poétique, étendue à plusieurs reprises au projet de mise en scène. C’est pourquoi les deux dimensions (figure et présence) travaillent constamment en dialogue, afin de donner corps à la figure d’Alcina qu’on perçoit en tant que spectateurs. En ce sens Enrico Pitozzi soutient que “la figure véhicule […] la mise en question radicale du statut du sujet” car, en recourant à ce dispositif compositionnel, “[...] le performeur ne représente plus quelque chose ou quelqu’un, mais présente soi-même dans sa radicale altérité” (Pitozzi, 2005, p. 78-79).

Bien évidemment, cette objectivation de la dialectique entre forces et formes influence la relation théâtrale. La troisième dimension regarde justement la mise en scène, enveloppant ultérieurement la matière performative et les figurations qu’elle dégage. Hors d’une connotation représentationnelle, mais plutôt selon un principe d’accordance, la conception et l’organisation du plan dramaturgique prennent les connotations du concert, mot-clé qu’on a déjà d’introduit. Le choix de cette notion cisèle la centralité du paysage sonore par rapport au plan textuel. En outre, la politique du sensible et des affects, dans Ouverture Alcina, est maintenue mélodique en lieu de se limiter au seul plan strictement dramaturgique. Le drame (voire l’énonciation de l’action) est retenu, plié à la condition d’altérité et d’inactualité radicales qu’ Alcina incarne. Le seul devenir possible, en absence d’un personnage ou bien d’un Je, est donc celui qui se déplie moins du plan du sens que de celui des sensations - non finaliste, “ pré-personnel ” et “non-humain” (Deleuze; Guattari, 1991DELEUZE, Gilles; GUATTARI, Félix. Qu’est-ce qu’est la philosophie?. Paris: Les Editions de Minuit, 1991., p. 154-155). Si, par conséquent, l’on conçoit Alcina en tant que figure-dispositif pour la mise en place d’une politique des affects, sa présence s’exprime par des voies autoritaires, ne permettant pas le partage de l’espace plateau-salle, ni l’engagement d’un dialogue, ni la formulation d’une mésentente. Ainsi, Ouverture Alcina dialogue de manière problématique avec la culture moderne et ses modèles de restitution du rapport sujet-monde.

Références

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  • VARELA, Francisco; THOMPSON, Evan; ROSCH, Eleanor. L’Inscription Corporelle de l’Esprit. Paris: Seuil , 1999. (Tit. orig., The Embodied Mind, 1991).
  • 87
    Ce texte inédit, révisé par Annelyse Gayraud, est également publié en portugais dans ce numéro.
  • 1
    Fischer-Lichte et Féral ont reproposé ces études dans Archaeologies of presence (Giannachi; Kaye; Shanks, 2012, p. 103-118; p. 29-49).
  • 2
    Selon la définition de Féral et Perrot cet effet consiste en “[...] la sensation éprouvée par le spectateur que les corps ou les objets offerts à son regard – ou bien à ses oreilles – sont là, dans le même espace et dans le même temps où lui-même se trouve, bien que reconnaissant de manière pertinente que ceux-ci sont absents” (Féral; Perrot, 2012, p. 142-144).
  • 3
    Faute d’autres précisions, les passages ont été traduits personnellement.
  • 4
    Cet article repropose des sujets traités dans une thèse de doctorat en cotutelle entre le Département des Arts (spécialité Théâtre) de l’Université de Bologne, Italie, et le Département Danse de l’Université Paris 8, France.
  • 5
    Dans l’économie de ce texte il n’est possible que de nommer ces théories, ensuite reprises à la fin des années quatre-vingts et quatre-vingt-dix. Voir les études citées dans les notes 1-2.
  • 6
    Cette expression, dont une généalogie dépasserait les limites de cette contribution, est inscrite dans une longue tradition théorique centrée sur la définition de représentation en tant que fiction, aussi bien que sur son caractère indéterminé. Pour approfondir, voir Lehmann (2012) et Csordas (1993, p. 137; p. 149-151).
  • 7
    La Nouvelle Théâtrologie italienne, l’Ethnoscénologie française et les Performance Studies renvoient souvent aux notions de Performer et de pratiques performatives. Dans les deux premiers champs on intègre ces modèles par les recherches d’Eugenio Barba sur le pré-expressif; les Performance Studies font par contre référence aux recherches de Grotowski et de Richard Schechner. Des aspects communs à ces théories sont la configuration de la performance entre rituel et spectaculaire, ainsi que la centralité du corps organique du performeur. Voir Grotowski (1965); Richards (1999); Barba (1993); Barba, Savarese (1996); Schechner (1988 [1977]); Fischer-Lichte (2014 [2004]).
  • 8
    Quoique éloignée des grands circuits internationaux, la Compagnie du Teatro delle Albe fait partie de cette génération artistique.
  • 9
    La généalogie des débats sur le théâtre et ensuite sur la performance nous parait en donner confirmation: la pensée de Friedrich Nietzsche, Martin Heidegger, Jacques Derrida, Michel Foucault, Edmund Husserl, Maurice Merleau-Ponty et, plus récemment, Gilles Deleuze est largement convoquée dans la théorie, même en l’absence d’analyses d’œuvre (Power, 2008; Giannachi; Kaye; Shanks, 2012).
  • 10
    Ici, on ne se réfère pas aux théories de Barba mais aux recherches en analyse du mouvement et en pratiques somatiques de Hubert Godard. En relation à la présence et aux études de Godard, Enrico Pitozzi décrit le prémouvement en tant que “[...] moment où la simulation [de l’action] s’incarne dans les muscles profonds [...] pour la préparation du mouvement” (Pitozzi, 2012b, p. 110; Godard, 1995, p. 236). A cette définition on ajoute l’importance de l’imaginaire et du vécu, d’ailleurs bien considérées par les deux chercheurs. Ces dimensions affectent la posture, le tonus du corps, la qualité et la variété motrice de chaque individu. Pour approfondir la question de la perception corporelle et des sensations en danse, voir aussi Godard (1994) et Foster (2010).
  • 11
    On ne peut pas restituer, ici, un aperçu exhaustif d’un débat si fertile. On se réfère à des auteurs cités dans des recherches précédentes: De Giorgi (2015) et notamment Manning (2007), Noland et Ness (2008) et Noland (2009) représentent d’autres sources fondamentales.
  • 12
    On peut intégrer le point de vue de Mauss (1936) sur les techniques du corps par la notion foucaldienne de techniques de soi “[...] permett[a]nt aux individus d’effectuer, seuls ou avec l’aide d’autres, un certain nombre d’opérations sur leur corps et leur âme, leurs pensées, leurs conduites, leur mode d’être; de se transformer afin d’atteindre un certain état de bonheur, de pureté, de sagesse, de perfection ou d’immortalité” (Foucault, 1994, p. 785).
  • 13
    Pour un aperçu des dialogues entre études théâtrales et neurosciences voir Sofia (2013a; 2013b, p. 18-43); l’auteur cite les recherches d’Alain Berthoz (1997) et les modèles neurophénoménologiques de Francisco Varela (Varela; Thompson; Rosch, 1999), également importants pour notre approche.
  • 14
    L’auto-affection s’explique à travers la notion de chiasme intrasensoriel, un dispositif perceptif permettant d’intégrer des informations qualitativement différentes des mêmes expériences, d’un point de vue actif (par exemple, “je touche moi-même”) ou bien passif (“je suis touché par moi-même”), de manière non mutuellement exclusive. Voir Merleau-Pontyy (1976) et Bernard (2001, p. 99).
  • 15
    Martinelli et Montanari s’essayent avec leurs premières recherches dès la fin des années soixante-dix sans aucune formation académique, au nom d’une indépendance et d’une marginalité “géo-esthétique” par rapport aux circuits dominants en Italie à l’époque. Montanari rappelle deux moments d’apprentissage avec les grands noms du nouveau théâtre: un atelier de création conduit par Jerzy Grotowski et son expérience en tant que spectatrice de Carmelo Bene. Montanari et Martinelli en apprennent les méthodes, la rigueur compositionnelle, pourtant ils développent bientôt leur propre style. La Compagnie a été fondée en 1983 à Ravenna par Marco Martinelli, Ermanna Montanari, Luigi Dadina et Marcella Nonni et travaille actuellement dans les espaces du Teatro Rasi. La recherche de ces artistes s’inscrit dans l’horizon postdramatique, dont l’Emilia Romagna – région du centre Italie où la Compagnie réside – accueille d’autres expériences importantes aux niveaux national et international, dont la Societas Raffaello Sanzio. La poétique de la Societas porte sur l’exaspération et la déconstruction du langage théâtral, souvent à travers l’évocation d’imaginaires visuels très puissants, tandis que l’esthétique du Teatro delle Albe, apparemment plus conventionnelle, implique plutôt les liens entre scène, contemporanéité et cultures minoritaires. Un regard en détail permet en effet de noter que le travail sur la figure, sur la vocalité, sur les formes dramatiques se détachant du modèle représentationnel et l’intérêt pour l’iconographie classique et moderne font les points de contact parmi ces artistes. Pour d’autres sources, voir Martinelli, Montanari (2014), De Marinis (2005) et les sites des compagnies, proposant des bibliographies (Teatro..., 2016TEATRO delle Albe. Site de Teatro delle Albe. 2016. Disponible sur: <Disponible sur: http://www.teatrodellealbe.com/ >. Consulté le: 18 déc. 2016.
    http://www.teatrodellealbe.com/...
    ): <http://www.teatrodellealbe.com/eng/>. Consulté le: 19 déc. 2016; (Societas..., 2016SOCIETAS Raffaello Sanzio. Site de la Societas Raffaello Sanzio. 2016. Disponible sur: <Disponible sur: http://www.societas.es/ >. Consulté le: 18 déc. 2016.
    http://www.societas.es/...
    ): <http://www.societas.es/>. Consulté le: 30 mars 2016.
  • 16
    Images captées de la vidéo acquise sur autorisation de la Compagnie.
  • 17
    Nevio Spadoni est poète, dramaturge et auteur d’essais, connu pour sa production en langue romagnole. Pour un aperçu de son parcours voir Cavaillé (2010, n. p.) et le site de l’auteur (Spadoni, 2016): <www.neviospadoni.com/>. Consulté le: 21 janv. 2016. Le texte d’Ouverture Alcina est contenu dans le CD L’isola di Alcina (2000).
  • 18
    L’Orlando Furioso est situé à l’époque de Charlemagne, au cours des guerres entre Chrétiens et Mores. Dans ce texte, Alcina est une magicienne vicieuse et vieille, qui dissimule son aspect et transforme ses amants en plantes et en roche. Voir Ariosto (2000 [1532]).
  • 19
    Les sous-titres, en anglais, restent visibles dans la captation vidéo de la pièce.
  • 20
    Luigi Ceccarelli est un compositeur et musicien d’avant-garde d’origine romagnole connu sur la scène internationale. Plusieurs détails sont disponibles sur le site de l’artiste (Ceccarelli, 2016): <http:/www.edisonstudio.it/luigi-ceccarelli/>. Consulté le: 21 janvier 2016.
  • 21
    L’artiste décrit souvent en ces termes son dialecte, en se référant à la fois à l’histoire de sa famille et au destin de cet idiome. Faute d’autres références, les informations sur la pièce et sur la poétique de la Compagnie renvoient à un entretien personnel avec l’artiste. Voir Montanari (2011) et aussi Mariani (2012, p. 163-175).
  • 22
    Fiche de présentation d’Ouverture Alcina, disponible sur le site de la Compagnie: <http://www.teatrodellealbe.com/ita/spettacolo.php?id=67>. (Consulté le: 7 déc. 2015).
  • 23
    On reprend l’expression de Roland Barthes – le “grain” de la voix – qu’on retrouve dans ses réflexions sur la vocalité et ses points de contact avec la musique. “Le ‘grain’, ce serait cela: la matérialité du corps parlant sa langue maternelle: peut-être la lettre; presque sûrement la signifiance. [...] Le ‘grain’, c’est le corps dans la voix qui chante, dans la main qui écrit, dans le membre qui exécute” (Barthes, 1981, p. 58). Un ouvrage d’Enrico Pitozzi à paraître (Pitozzi, 2017) permet d’approfondir la question de la vocalité et du son dans le travail d’Ermanna Montanari et figure le texte complet de la pièce.
  • 24
    Notions relevant de la pensée de Deleuze et Guattari. Petra Sabisch les cite parmi les principes performatifs d’organisation du sensible, de l’invisible, ou bien encore des relations, auxquelles le projet chorégraphique aurait été étendu dans les recherches actuelles (Sabisch, 2011).
  • 25
    “Les limites formelles [d’Ouverture Alcina] sont sujettes à la pression interne du matériau: qu’il s’agisse de la voix-corps d’Ermanna, de la tension de la lumière ou bien des architectures sonores de Ceccarelli, leur volcanicité ne fait que presser contre, agir contre les limites de la structure formelle” (Martinelli; Montanari, 2014, p. 188).
  • 26
    Livret du CD Ouverture Alcina (2011). Il s’agit d’une sélection des séquences de l’Isola di Alcina (Ceccarelli, 2002). Le final de l’Abêtissement, qu’on retrouve dans le solo du 2009, figure dans un enregistrement disponible sur Youtube (L’isola di Alcina, 2010L’ISOLA di Alcina (Teatro delle Albe). AUDIO. Disponible sur: <Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=AmsRCaIBlLs >. Publié le: 1 sept. 2010. Consulté le: 4 avril 2017.
    https://www.youtube.com/watch?v=AmsRCaIB...
    ). Des extraits audiovisuels d’une sélection des séquences du solo sont également disponibles sur Youtube (Ouverture Alcina, 2010aOUVERTURE Alcina - 1 Preludio. Disponible sur: <Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=jTxXT5HjeFQ >. Publié le: 26 juil. 2010a. Consulté le : 4 avril 2017.
    https://www.youtube.com/watch?v=jTxXT5Hj...
    ; Ouverture Alcina, 2010bOUVERTURE Alcina - 2 Fuggesi Alcina. Disponible sur: <Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=J8OOQuOXJ8s >. Publié le: 26 juil. 2010b. Consulté le: 4 avril 2017.
    https://www.youtube.com/watch?v=J8OOQuOX...
    ; Ouverture Alcina, 2010cOUVERTURE Alcina - 3 Invettiva contro gli uomini. Disponible sur: <Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=Rts1daXDcuw >. Publié le: 26 juil. 2010c. Consulté le: 4 avril 2017.
    https://www.youtube.com/watch?v=Rts1daXD...
    ; Ouverture Alcina, 2010dOUVERTURE Alcina - 4 l’amore di Alcina (2a parte). Disponible sur: <Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=BfKFzEmckoU >. Publié le: 26 juil. 2010d. Consulté le: 4 avril 2017.
    https://www.youtube.com/watch?v=BfKFzEmc...
    ; Ouverture Alcina, 2012aOUVERTURE Alcina - Finale dell’instupidimento (extrait #2). Disponible sur: <Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=TGKT997k0hk >. Publié le: 17 mars 2012a. Consulté le: 4 avril 2017.
    https://www.youtube.com/watch?v=TGKT997k...
    ; Ouverture Alcina, 2012bOUVERTURE Alcina - fuggesi Alcina (extrait #1). Disponible sur: <Disponible sur: https://www.youtube.com/watch?v=RwbdsRvv7Is >. Publié le: 17 mars 2012b. Consulté le: 4 avril 2017.
    https://www.youtube.com/watch?v=RwbdsRvv...
    ).
  • 27
    Sur les notion d’archétype et d’inconscient collectif, voir C. G. Jung (1981 [1969]).
  • 28
    Spectacle du 11 mars 2011, Laboratori Azzo Gardino, Bologne, Italie.
  • 29
    Fiche de présentation d’Ouverture Alcina disponible sur le site du Teatro delle Albe: <http://www.teatrodellealbe.com/ita/spettacolo.php?id=67>. Consulté le: 30 mars 2016.

Publication Dates

  • Publication in this collection
    Dec 2017

History

  • Received
    31 Mar 2016
  • Accepted
    07 Nov 2016
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